Les systèmes cell-free offrent des avantages par rapport aux systèmes d’expression in vivo pour les protéines difficiles à exprimer, non seulement pour les protéines membranaires, mais tout autant pour les protéines ayant des ponts disulfures multiples, les protéines instables, agrégées ou les protéines cytotoxiques.

En effet, les protéines qui sont toxiques pour la cellule hôte de production, sont souvent difficiles à exprimer à des rendements élevés. Les systèmes d’expression cell-free sont une solution efficace à ce problème, car ils s’affranchissent de la croissance et de la viabilité des cellules, nécessaires à l’expression de protéines dans les systèmes cellulaires. Ainsi, le système cell-free permet, par exemple, la production de protéines cytotoxiques d’intérêt thérapeutique contre le cancer, telles que les immunotoxines à base d’exotoxines de Pseudomonas (PE), ciblant les antigènes tumoraux exprimés dans divers cancers (Weldon et al., 2011 ; Wolf et al., 2009).

Les systèmes d’expression cell-free apportent des solutions pour la production de protéines membranaires au même titre que pour les protéines instables, cytotoxiques ou encore agrégées.

Les peptides et protéines antimicrobiens peuvent également être exprimés dans des systèmes cell-free, alors qu’ils induisent la mort ou l’inhibition de la croissance bactérienne dans les systèmes E. Coli (Jin et al., 2018).

Concernant la production de protéines transmembranaires fonctionnelles, celle-ci peut être grandement améliorée grâce à la nature « ouverte » du système cell-free, qui permet un contrôle unique et une adaptation spécifique de l’environnement de synthèse, en complétant les composants clés pour une protéine donnée, à des concentrations précises. Une telle adaptation n’est pas possible dans les systèmes in vivo. (Jin et al., 2018).

A titre d’exemple, la formation de ponts disulfures est favorisée en optimisant les conditions redox et en ajoutant des chaperonnes et des isomérases (Carlson et al., 2012 ; Rosenblum et al., 2014). L’agrégation des protéines in vitro peut également être évitée par l’ajout d’agents stabilisants, tels que des polyéthylène glycols, des polysaccharides ou certains acides aminés (Kai et al., 2013).

Ainsi, les systèmes d’expression cell-free ont été largement exploités pour produire des protéines transmembranaires qui constituent la classe la plus importante de cibles thérapeutiques. En raison de leurs structures complexes et de leurs domaines transmembranaires hydrophobes, ces protéines sont difficiles à exprimer dans les systèmes in vivo.

En revanche, les systèmes « ouverts » cell-free offrent la souplesse nécessaire pour incorporer dans le milieu réactionnel des détergents ou des lipides qui miment les structures membranaires et aident ainsi à solubiliser les protéines membranaires (Carlson et al., 2012 ; Jin et al., 2018).

Comme ces dernières se comportent différemment des autres classes de protéines, le criblage d’expression systématique de l’environnement est important, à commencer par le criblage de détergents. Cependant, de nombreuses protéines membranaires ne se replient pas correctement en présence de détergent et ont besoin d’un environnement lipidique spécifique pour adopter leur repliement fonctionnel et leur stabilité. Aussi, des bicouches lipidiques préformées et de composition lipidique précise, apportées sous forme de liposomes ou de nanodisques, peuvent être ajoutées à l’extrait cellulaire pour être présentes lorsque ce type de protéines à domaines transmembranaires hydrophobes est à exprimer (Henrich et al., 2015).

À titre d’exemple, Synthelis a produit plus de 150 protéines membranaires, dont une vingtaine de GPCR sous forme de protéoliposomes, en utilisant sa technologie brevetée d’expression cell-free en présence de liposomes. Il en résulte que la majorité des GPCR exprimés par cette approche, présentent un repliement fonctionnel, attesté par SPR, par méthode ELISA, par interférométrie et/ou par test de liaison du radio-ligand.

Ainsi, le récepteur à chimiokine C-X-C de type 4 (CXCR4) a été produit par Synthelis en quantité allant jusqu’à 10 mg dans un format protéoliposome. Le repliement correct de la protéine CXCR4 a été validé par SPRi (SPRiPlex, Horiba) et BLI (Octet RED96, Pall – Fortebio) avec 4 ligands différents (CXCL12, T22, AMD 3100 et l’anticorps conformationnel 12G5). Des campagnes d’immunisation ont ensuite été menées avec succès chez le lama ainsi que chez la souris à l’aide de ces protéoliposomes contenant le récepteur CXCR4 bien conformé.
Des anticorps murins liant spécifiquement le récepteur CXCR4 ont ainsi été obtenus par la société Fair Journey Biologics, qui a pu valider cette spécificité par cytométrie en flux contre des cellules HEK293 surexprimant ce RCPG.

L’équipe BIOS de l’unité de Physiologie de la Reproduction et des Comportements (PRC) du centre INRA de Nouzilly a, quant à elle, pu sélectionner un nanobody ayant un fort effet antagoniste sur CXCR4 à partir de leur banque immune issue du lama immunisé. Pour ce faire, ils ont également utilisé les protéoliposomes CXCR4 dans la phase de panning de leur processus de phage display.

De manière similaire, il a été démontré que les nanodisques permettent l’insertion de récepteurs couplés à la protéine G (GPCR) (Gao et al., 2012 ; Proverbio et al., 2013) lorsque des nanodisques avec une composition lipidique appropriée, sont intégrés dans un système cell-free.

Ainsi, comme le montre cet article, corroboré par une liste croissante de publications scientifiques, la puissance des systèmes cell-free réside dans leur capacité à repousser les limites biologiques des cellules et à pouvoir exprimer tout type de protéines dont les plus difficiles, non seulement celles intégrées aux membranes plasmiques, mais aussi les protéines cytotoxiques, complexes, instables ou insolubles.

Authors & sources

Carlson E.D., Gan R., Hodgman C.E., Jewett M.C. 2012. Cell-free protein synthesis: Applications come of age. Biotechnology Advances 30:1185–1194.

Henrich E., Hein C., Dötsch V., Bernhard F. 2015. Membrane protein production in Escherichia coli cell-free lysates. FEBS Letters 589:1713–1722.

Gao T., Petrlova J., He W., Huser T., Kudlick W., Voss J., Coleman M.A. 2012. Characterization of de novo synthesized GPCRs supported in nanolipoprotein discs. PLoS One 7(9), e44911.

Isaksson L., Enberg J., Neutze R., Karlsson B.G., Pedersen A. 2012. Expression screening of membrane proteins with cell-free protein synthesis. Protein Expression and Purification 82:218–225.

Jin X., Hong S.H. 2018. Cell-free protein synthesis for producing ‘difficult-to-express’ proteins. Biochemical Engineering Journal 138:156–164.

Kai, L., Dötsch, V., Kaldenhoff, R., Bernhard, F. 2013. Artificial environments for the co-translational stabilization of cell-free expressed proteins. PLoS ONE 8(2): e56637.

Proverbio D., Roos C., Beyermann M., Orbán E., Dötsch V., Bernhard F. 2013. Functional properties of cell-free expressed human endothelin A and endothelin B receptors
in artificial membrane environments. Biochim. Biophys. Acta 1828(9):2182–2192.

Rosenblum G. and Cooperman, B.S. 2014. Engine out of the chassis: Cell-free protein
synthesis and its uses. FEBS Letters 588:261–268.

Weldon J.E., Pastan I. 2011. A guide to taming a toxin: recombinant immunotoxins
constructed from Pseudomonas exotoxin A for the treatment of cancer, FEBSJ.
278:4683–4700.

Wolf P., Elsässer-Beile U. 2009. Pseudomonas exotoxin A: from virulence factor to
anti-cancer agent, Int. J. Med. Microbiol. 299:161–176.

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